Le Rang Unique de Aisha
Aisha est, indiscutablement, l’un des
plus grands professeurs que l’Islam ait produit. Elle appartient à
l’ensemble des théologiens illustres qui ont continué le travail et la
mission du Prophète après sa mort, en interprétant et transmettant ses
enseignements. Parmi les hommes, plusieurs noms pouvait prétendre cette
distinction, mais parmi les femmes, Aisha était la seule.
Pendant neuf années, elle partagea sa vie
avec le Prophète, recevant plus d’attention que les autres épouses.
Avec ses dons naturels extraordinaires, Aisha en tira les meilleurs
profits.
L’islam est un code de vie complet qui
guide les pas des croyants dans tous les domaines d’activité humaine.
Les femmes ont leurs problèmes particuliers. En tant que femmes et
mères, elles doivent remplir des devoirs différents de ceux des hommes.
C’était à travers ses femmes que le
Prophète a transmis ses enseignements au monde féminin. Aisha est
facilement devenue la source la plus sûre de ses enseignements. Aisha
était dotée d’une mémoire étonnante, à laquelle peut s’ajouter une
habituelle observation attentive. Tout cela lui permettait de décrire en
détails les expériences remontant aussi loin que son enfance. Ces
qualités firent de Aisha une autorité très importante de la loi
islamique.
Les sources ultimes de la loi en Islam
sont le Coran et la Sunna. Plusieurs chapitres du Coran furent révélés
dans la chambre d’Aisha. Son observation attentive et sa mémoire
étonnante lui permirent de mémoriser les faits et les dires du Prophète
en différentes occasions. Tous ces faits faisaient que son opinion sur
les points de la loi était très respectée. En voici quelques exemples :
A la mort de Saad Ibn Abu Waqqas, Aisha
suggéra que sa prière funéraire soit lue dans la mosquée du Prophète.
Les gens y firent une objection. « Les
gens ont une mauvaise mémoire ! s’exclama Aisha. Le Messager d’Allah a
fait celle de Said Sohail Ibn Baidha dans cette mosquée. »
Une fois, quelques Compagnons racontèrent
aux gens que les pleurs et les lamentations des parents ajoutent
quelque chose au châtiment de la personne morte. Ils citèrent un hadith
du Prophète à l’appui. Quand la question fut rapportée à Aisha, elle dit
: « Qu’Allah leur pardonne ! Ils n’ont
pas menti, mais ils ont oublié ou mal compris. Le fait réel est qu’un
jour le Messager d’Allah passa à côté d’une procession funéraire d’une
juive dont les parents pleuraient et gémissaient. A cela, il fit cette
remarque : Ces gens hurlent et elle subit le châtiment. »
Une fois, le Compagnon très connu Abu Hurayra dit aux gens : « Si quelqu’un prie et qu’une femme ou un âne ou un chien passe devant lui, sa prière est annulée. » Quand ce récit arriva aux oreilles de Aisha, elle s’exclama : « Quoi
! Veut-il dire qu’une femme ne vaut pas mieux qu’un âne ou un chien ?
Ma chambre était si petite que mon bistarah (matelas) se trouvait juste
en face du tapis de prière du Prophète. Quand il priait, j’étais
allongée dans mon lit, mes pieds pendillant au dessus de son tapis.
Quand il allait se prosterner, il touchait mes pieds et je les retirais.
Je les tendais de nouveau après cela. Il m’arrivait quelques fois par
nécessité, de passer devant lui pendant qu’il priait. »
Cette explication amena Abu Huraira à retirer ce qu’il avait dit.
Aisha vécut un demi-siècle après le
Prophète. La période qui suivait sa mort était la période des Compagnons
qui avaient quelques difficultés à se diriger à partir du Coran et de
la Sunna. Les Compagnons chefs moururent un par un. Il y eut alors une
génération qui n’avait pas de connaissances personnelles sur la façon de
vivre du Prophète. Seule une poignée de Compagnons qui étaient très
jeunes à la mort du Prophète, était les porte-flambeaux de la
connaissance, pour cette génération. Abullah Ibn Omar, Abdullah Ibn
Abbas et Aisha appartenaient à ce groupe.
L’Amour pour la vérité
Aisha avait une telle passion pour la
vérité que comme son illustre père, elle reçut le titre de
« Véridique ». Elle n’a jamais hésité de déclarer que ce qu’elle pensait
était la vérité. Pour rien au monde, elle n’aurait abandonné son devoir
envers Dieu et les hommes.
Les Califats d’Abu Bakr et d’Omar furent
des périodes d’harmonie interne. Les musulmans combattaient les ennemis
étrangers et devaient se serrer les rangs. Pendant le Califat d’Outhman,
la situation changea. L’ère de conquête prit fin. Les gens commencèrent
à exprimer le désir de vivre une vie aisée et confortable. Des
querelles réciproques commencèrent, des rivalités oubliées refirent
surface. Des redistributions inégales des biens produisirent une
multitude de maux sociaux. La main du Calife agé était trop faible pour
mettre un terme à cela.
Comme des sentiments d’insatisfaction et
d’inquiétude grandissaient, on recherchait la sérénité de Médine. Ceux
qui avaient des plaintes s’adressèrent aux Compagnons et aux Mères des
Croyants. Aisha était parmi ceux qui considéraient comme capables
d’améliorer les choses. Elle déclara très vite sa désapprobation de la
politique d’Outhman. Cependant, elle était strictement contre la
violence. Quand Oushtar Nakhi, le chef rebelle suggéra que Outhman fut
tué, elle exprima son horreur. Son propre frère Muhammed, agissait
contre le Calife. Elle le supplia de ne pas utiliser des méthodes
illégales et le pria de l’accompagner à la Mecque pour le Pèlerinage.
Mais il refusa d’accepter ce conseil.
L’assassinat d’Outhman a tellement secoué
Aisha qu’elle exprime ouvertement sa haine pour cette acte, en des
termes violents. Elle fut même décidée de marcher su Bassora à la tête
d’une armée. Rien d’autre qu’un profond sens du devoir, l’amena à tirer
l’épée contre Ali. Elle a été absente de Médine pour quelques temps et
ses points de vue sur les tragiques incidents dans la capitale étaient
basés sur les récits de Talha et Zoubair. Naturellement, elle dut faire
confiance aux récits de ces témoins oculaires. Aussi, la solution
qu’elle avait choisie n’était pas celle de son propre choix. Cependant,
au moment où elle réalisa son erreur, elle ne perdit pas de temps à la
confesser. Elle a fait tout ce qui était en son pouvoir pour se
corriger. Une fois, quelqu’un lui demanda : « Qui
le Prophète aime-t-il le plus ? Fatima ! fut la réponse. Et parmi les
hommes ? Son mari Ali qui était le premier pour les prières et pour le
jeûne. »
Les dix huit derniers années de la vie de
Aisha ont été vécues sous l’autorité de Mouawiya. Contrastant avec le
Califat des quatres Califes bien guidés, celui de Mouawiya était un cas
particulier. Aisha n’a jamais hésité à déclarer la vérité. Hajr Ibn
Abdi, un Compagnon, vivait à Koufa. Il était un partisan d’Ali. Le
gouverneur de Koufa l’arrêta et l’envoya à Damas. Quand Aisha apprit
cela, elle envoya immédiatement un homme à Mouawiya, lui demandant de ne
pas gêner Hajr. Cependant, Hajr fut tué avant que le messager n’arrive.
Quand Mouawiya visita Médine par la suite, la première question que
Aisha lui posa, fut celle-ci : « Mouawiya ! Qu’est il arrivé à votre prudence au sujet de Hajr ? »
La guerre civile qui suivit l’assassinat
d’Ouhtman divisa les musulmans en trois groupes. Les habitants de l’Iraq
et de l’Egypte disaient du mal d’Outhman et de ses parents. Ceux de
Syrie en faisaient de même pour Ali. Les Kharijites haïssaient les deux
groupes. Regrettant cet état des choses, Aisha fit cette remarque : « Allah
ordonne dans le Coran de demander Sa miséricorde et Ses bénédictions
pour les Compagnons du Prophète, mais ces gens jettent des malédictions
sur eux ! »
Une fois, Mouawiya écrivit à Aisha, lui demandant un conseil. Elle lui donna cette réponse : « J’ai
entendu le Messager d’Allah dire : Celui qui essaie de contenter Allah,
ne se souciant pas du mécontentement des gens, sera protégé contre la
méchanceté des gens. Mais celui qui contente les gens au prix du
mécontentement d’Allah, sera abandonné par Allah à la merci des gens. »
Pendant sa vie, Mouawiya commença à
faire prêter serment d’allégeance à son fils Yazid. Aisha n’apprécia pas
cela. Abdullah Ibn Zoubeir et quelques autres chefs s’opposèrent sans
peur à cette proposition. Quand, lors d’une visite à Médine, Mouawiya
s’en plaignit à Aisha, elle répondit : « Faites ce qui vous semble être bon ! Je demande une seule chose : Ne forcez pas ces hommes à agir contre leur gré ! »
Un Grand Professeur
L’islam insiste beaucoup sur l’importance
de l’éducation. Le Prophète lui même, était le plus grand professeur de
l’histoire. Il voulait que l’éducation se répande. Pour cela, il
rassembla toutes les personnes de talent et d’une grande vertu et les
forma spécialement, pour travailler comme professeurs après lui. Aisha
était l’un de ces professeurs.
Sa propre éducation et instruction
commencèrent à l’âge de neuf ans, quand elle arriva chez le Prophète.
Elles continuèrent jusqu’à ses dix-huit ans. Cela fit d’elle un des plus
grands professeurs de son siècle. Elle vécut jusqu’à l’âge de 67 ans,
assez longtemps pour aider les gens à trouver des solutions à des
problèmes d’une période si différente de celle du début de l’Islam. Elle
partageait cette distinction avec de grands maîtres comme Abdullah Ibn
Omar, Abdullah Ibn Abbas, Abu Hurayra et Zaid ibn Thabit. Ces
professeurs célèbres firent de Médine, le plus grand centre d’étude du
monde. L’école de Aisha était considérée comme le siège le plus
important du savoir.
Aisha continua à dormir encore quelque
temps dans la chambre du Prophète, à côté de sa tombe. Une nuit, elle le
vit en rêve. Le lendemain, elle emménagea dans la chambre voisine. Au
cours du temps, la chambre devint le centre le plus important de
l’éducation. En face de la porte, il y avait un rideau. Aisha s’asseyait
derrière le rideau. Des filles, des garçons et les hommes pour lesquels
elle n’avait pas à observer le voile, entraient dans la pièce et
s’asseyaient en face d’elle. Les autres prenaient place dans la cour de
la mosquée, près du rideau.
La méthode d’enseignement adoptée était
une combinaison de conversation et de discussion. Quelquefois, elle
parlait d’un sujet et les autres écoutaient. A la fin de l’exposé, on
posait des questions et on y répondait. Quelquefois, la leçon prenait la
forme de questions posées par les élèves et de réponses détaillées,
données par le professeur. En d’autres occasions, on commençait une
discussion, les élèves et le professeur y prenant part librement. Aisha
veillait bien à la prononciation et à l’accent. Les fautes étaient
corrigées immédiatement.
Quelques uns des adultes assistaient aux
cours de temps en temps. La plupart des garçons et filles, cependant,
étaient des étudiants réguliers. Les orphelins de Médine bénéficiaient
d’une attention spéciale de la part de Aisha. Elle s’occupait de toutes
leurs dépenses. Les personnes qui avaient eu le privilège d’étudier avec
Aisha surpassaient leurs camarades.
Aisha était la plus gentille avec ses élèves que leurs propres mères. Elle en adopta quelque uns.
Son amour et son attention pour ses
élèves étaient tels que sa propre famille les enviaient. Elle aimait
chèrement son neveu Abdullah Ibn Zoubeir. Mais il enviait quand quand
même Aswad, un élève prometteur de Aisha. Ses élèves aussi, avaient la
plus grande estime pour elle.
Le nombre d’élèves qui profita de son
éducation se comptait par centaine. Rares étaient les savant en hadiths
qui n’avaient pas bénéficié directement de ses connaissances. Les plus
grands noms parmi eux sont :
Orwa frère d’Abullah ibn Zoubeir et neveu
de Aisha. Il fut élevé par elle. Il était en passe de devenir le
premier savant de Médine.
Qacim, un autre neveu de Aisha. Il était
le fils de son frère Muhammed. Etant devenu orphelin, elle l’éleva. Il
était en passe de devenir un grand savant de la loi islamique.
Abu Salma, fils d’Abdur Rahman Ibn Aouf
lui aussi était orphelin et fut élevé par Aisha. Il était en passe de
devenir un grand savant en hadith.
Massrouq, le jeune d’Iraq que Aisha avait adopté. Il devint plus tard, l’autorité principale de la loi islamique en Iraq.
Imam Nakhi, d’Iraq. Les autres étudiants iraquiens enviaient sa chance d’avoir étudié avec Aisha.
Omerah bint Abdur Rahman, une fille
Ansari. Elle était l’élève la plus brillante parmi les filles, et très
aimée de Aisha. C’était elle qui écrivait les lettres de Aisha. Les
hadiths rassemblés par le Calife Omar ibn Abdul Aziz pendant son règne,
étaient scrupuleusement examinées par Omerah.
Aisha accomplissait régulièrement le Hadj
chaque année. Pendant le Hadj, sa tente devenant l’endroit le plus
inspirant dans l’immense assemblée. Les gens de différents pays, se
pressaient vers cette tente pour trouver des réponses à leurs questions.
Aisha était extrêmement polie envers les gens. Si quelqu’un hésitait de
poser une question, elle disait : « Vous pouvez librement me poser n’importe quelle question que vous poseriez à votre propre mère ! »
La mort de Aisha
Même quand elle était âgée, Aisha
continuait à servir l’islam et les musulmans avec la même vigueur. Elle
devenait si chère au coeur du peuple qu’elle fut la personne la plus
aimée et la plus respectée de son temps.
Dans le mois de Ramadan de l’an 58 de
l’hégire, Aisha tomba soudainement malade. Les jours passèrent et sa
condition s’aggravait. Les gens accouraient pour prendre des nouvelles
de sa santé.
Le célèbre compagnon et cousin du
Prophète, Abdullah Ibn Abbas lui rendit un jour visite. Elle hésitait à
le recevoir car elle avait peur qu’il commence à faire des éloges sur
ses services rendus à l’islam. Poussée par ses neveux, elle le reçut.
Après quelques informations sur sa santé, le visiteur commença à faire des compliments à la mère des Croyants. « Tu
étais la femme préférée du Prophète. A cause de toi, Allah a révélé les
versets se rapportant au Tayamoun ; des versets du Coran parlent de la
pureté de ton caractère. Ces verset sont aujourd’hui récités dans les
mosquées, jour et nuit ! »
Ibn Abbas ! dit-elle, d’une voie faible, n’en dit pas plus. Je souhaite n’être jamais née ! (Se remémorant le fardeau de la Bataille du Chameau)
Quand sa fin était proche, Aisha dicta sa dernière volonté : « Ne
m’enterrez pas dans mon ancienne maison, au côté de mon mari car j’ai
commis une faute. Enterrez-moi dans le cimetière de Médine, aux côtés
des autres femmes ! Enterrez moi la nuit, n’attendez pas le matin ! »
Quelqu’un suggéra : « Il serait préférable de vous enterrer là ou le Prophète et votre père Abu Bakr reposent ! » « Dans ce cas, dit Aisha, toute ma repentance aura été vaine et je devrais me repentir à nouveau. »
Au soir du 17 Ramadan, Aisha Siddiqua, la
Véridique, mourut paisiblement. Elle avait 67 ans. La prière venait de
se terminer quand la nouvelle se répandit dans la ville. Elle affligea
tout le monde. Des foules se rassemblèrent dans les rues.
« Hélas ! disait-on. Les gens viennent d’être privés du grand professeur, formé spécialement par le Prophète lui-même ! »
En accord avec sa volonté, Aisha fut
enterrée dans le cimetière de Médine. Des milliers de personnes
assistèrent à la prière funéraire qui fut dirigée par Abu Huraira.
Jamais auparavant dans l’histoire de Médine, des funérailles ne furent
aussi largement assistés la nuit. Des foules énormes de femmes sortirent
dans la rue, donnant à cette circonstance un aspect de recueil
national.
Le Personnage
La vie de Aisha démontre à quel degré
peut s’élever une femme musulmane. Avant l’avènement de la religion, une
femme n’avait presque aucun droit. L’islam l’a soudainement élevée au
plus haut sommet de la dignité humaine tout en insistant sur la douceur
et la pureté de sa nature. L’exemple de Aicha montre comment cela peut
se faire. Elle était rigoureuse au sujet du voile et du code moral et
pourtant, elle a joué un rôle vital dans la vie sociale, religieuse et
politique de son peuple.
Aisha était une femme pieuse. En plus des
cinq prières obligatoires, elle s’attachait également aux
surérogatoires et elle jeunait fréquemment même après le mois de
Ramadan. Aisha observa toute sa vie le même état d’ascétisme que durant
la vie du Prophète. Elle n’avait pas de passion pour les beaux
vêtements. Elle n’avait qu’un seul ensemble à la fois. Quand il se
déchirait, elle s’en procurait un autre. Aussitôt qu’elle recevait un
peu d’argent, elle le distribuait aux pauvres. Une fois, Mouawiya lui
envoya 100 000 dirhams. Elle jeûnait ce jour là. Elle les distribua
immédiatement, sans rien garder pour elle. Le soir, elle n’avait rien à
manger. « Pourquoi ne m’as tu pas rappelé de garder quelque chose pour ce soir ? » dit-elle à la servante.
La malveillance n’est jamais entrée dans
son coeur, bien que la provocation fût grande. Une fois, un égyptien lui
rendit visite : « Quel genre d’homme est votre gouverneur ? » demanda-t-elle. Il traite bien le peuple, fut la réponse.
« Quelque
soit le traitement de cet homme envers mon frère Muhammed (Ibn Abu
Bakr), fit remarquer Aisha, je ne peux pas m’empêcher de déclarer que le
Messager d’Allah a dit en ma présence : Ô Allah ! Si un gouverneur est
très dur envers son peuple, alors toi aussi, sois dur envers lui. Mais
s’il est bon envers son peuple, alors Toi aussi sois bon envers lui. »